Le métro à Paris – source d’inspiration ?

Quand on arrive à Paris, surtout après avoir visité d’autres grandes villes, on est tout de suite impressionné par l’efficacité de son métro. 14 lignes, des stations très rapprochées, une signalisation hors pair – on serait fou de ne pas le prendre plusieurs fois par jour avec joie et enthousiasme. Ou bien… ? (<- clin d’œil spontané à mes chers amis les suisses :)).

Mes premières années à Paris, je faisais partie des voyageurs heureux et curieux de découvrir les visages et les tenues des parisiens typiques et variés. Sur le plan des lignes, les couleurs s’entrelaçaient comme un arc en ciel menant au trésor. Une touche décorative particulière, les vers gagnants d’un concours de poésie, me fournissait de la matière pour améliorer mon français et prendre l’air d’une personne cultivée. Quand j’ai commencé à me consacrer pleinement à la musique, le métro à Paris ne cessait d’être une source d’inspiration, voire de bien-être.

Aujourd’hui…j’avoue que plus le temps passe, plus les têtes des voyageurs me semblent légèrement grises, et plus la place semble se rétrécir. Heureusement qu’il y a des musiciens ! Obligés de passer une audition et de porter un badge… Des fois il y a, par exemple, des accordéonistes qui refont les grands tubes de la chanson française avec, disons, la moitié des accords originaux. Ca économise de l’énergie musculaire, sûrement !

Mais s’il n’est pas toujours gai, le métro à Paris reste toujours une source d’inspiration. L’autre jour en fut un exemple inoubliable. En route pour un enregistrement dans le nord, je prends la ligne 7 (rose= jolie !). A l’arrêt « Pyramides » un mec monte dans le train, la trentaine, léger embonpoint, peau mate, cheveux noirs, plutôt sympa à regarder. Puis il ouvre la bouche. « Bonjour Mesdames et Messieurs, excusez-moi de vous déranger… » Direct, je sens la tension exaspérée s’installer parmi mes co-voyageurs. Encore un qui veut des sous ! Mais la suite nous éblouit : « Je ne suis pas là aujourd’hui pour demander des sous, au contraire, je gagne bien ma vie. Si je passe parmi vous, c’est parce que je souhaite me marier au plus vite. Je cherche une femme, qui a ses papiers en ordre, bien sûr. Mesdames, vous pouvez me croire, je vous offre ma carte bleue, et je suis performant, je ne m’arrête jamais. »

Inspirée par la pure folie de ce discours, je cherche à engager les regards des inconnus autour, histoire de partager un sourire (chose rare comme les léopards dans le métro). Impossible, incroyable, improbable ! Les gens font comme si de rien n’était, même quand le jeune homme poursuit avec « Maintenant, Mesdames, je vais passer parmi vous avec mon portable. Laissez-moi vos numéros, je ferai une sélection. Vous pouvez également me suivre, je descends ici. Je n’ai pas beaucoup de temps. » Rien à faire – comme des coffres-forts suisses, les visages parisiens restent unanimement durs et verrouillés.

Le moment qui suit est magique. Le train s’arrête à Louis Blanc. Le marié en herbe descend sur le quai. La sonnerie sonne. Comme le clap d’un tournage, le claquement des portes déclenche une rigolade comme je n’ai jamais entendu dans la Ville Lumière. Tout le monde se regarde, soudainement soudé et soulagé. Quelques hommes laissent échapper un « Bravo ! » admiratif. Une petite vieille s’évente avec son foulard. Une jeune fille se retourne, les larmes aux yeux, pour jeter un dernier regard sur celui qui aurait pu être l’homme de sa vie.

Un jeune homme courageux et prometteur dans le métro à Paris – source d’inspiration par excellence. Ou bien ?

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