Archives annuelles : 2014

Le jazz vocal et la polyphonie, vol. 2

Ephs-field

The Williams Ephlats, ca. 1988

Le jazz vocal et la polyphonie, comme on le sait depuis mon dernier article, sont au cœur de ma passion pour la musique.

L’année dernière il y a eu une réunion de mon groupe a cappella de la fac, les Williams Ephlats. A mon plus grand regret, je n’ai pas pu y aller. Mais ça ne m’a pas empêché d’être là, virtuellement, avec ces 12 chanteuses et chanteurs drôles et talentueux, et de réfléchir de nouveau à cette entité particulière qui est le groupe vocal.

Parfois (vous l’avez peut-être remarqué :)), il y a une rivalité entre les chanteuses / chanteurs solistes, difficilement explicable mais peut-être liée au fait que l’instrument est le corps, c’est-à-dire soi-même. Tout échec peut être ressenti comme un rejet de l’individu dans sa totalité. Le fait que l’aspect visuel compte au moins dix fois plus pour les chanteuses(eurs) que pour les instrumentistes n’arrange pas les choses, puisque l’image devient vite une obsession. Mais peut-être que d’autres auront d’autres théories ?

A vous de juger cette histoire vraie : une chanteuse lyrique colorature (qui chante plutôt dans les aigus) avoue à une mezzo (qui chante plus bas) : « Ah, heureusement que tu es mezzo. Si tu étais colorature, on ne pourrait pas être amies ! » Bon, le lyrique, c’est autre chose encore…

Mais quand le jazz vocal et la polyphonie se rencontrent, l’ambiance est différente. Dans un groupe vocal, les voix se réunissent pour se renforcer, se mettre en valeur, même si au niveau social il y a une observation et prise de rôle qui se fait. Avant de donner quelques exemples, laissez-moi préciser qu’ils peuvent se décliner au masculin aussi bien qu’au féminin : le clown, la folle qui perd toujours quelque chose, le râleur, la retardataire incurable, la perfectionniste, le séducteur… Au cours des années, j’ai intégré différents groupes, et c’était aussi passionnant de trouver un rôle que de me confronter aux défis musicaux !

Sur mes deux premiers albums en tant que leader, je tenais à inclure des chansons « polyphoniques » a cappella : « Tout Doucement » sur l’album Twinkle (Pitch Puppy Productions, 2007) ; et « Blue Boots » sur am I am (Juste une trace, 2011). Ce fut un énorme plaisir d’arranger et d’enregistrer toutes les voix (et du coup, pas de rivalité, ni de rôle…). 😉 Sur mon troisième album, actuellement en préparation, il y en aura sûrement un autre. Décidément, en ce qui me concerne, le jazz vocal et la polyphonie sont inséparables !

Par |2016-12-22T12:12:39+01:00juin 17th, 2014|Jazz vocal|0 commentaire

Le jazz vocal et la polyphonie

Le jazz vocal et la polyphonie sont parmi les choses que je préfère au monde, alors imaginez ce que ça donne quand ils se rencontrent ! La phrase « jazz vocal » évoque souvent l’image d’une seule chanteuse accompagnée par un certain nombre d’instrumentistes. J’ai grandi avec cette idée jusqu’au jour où j’ai découvert les Manhattan Transfer en écoutant un 33 tours qui appartenait à ma sœur. Bouleversement total ! Les harmonies proches, le rythme et la diction parfaitement synchronisés, et surtout le côté « convivial » émanant des deux voix féminines et deux voix masculines. C’était le début de mon histoire d’amour avec le jazz vocal et la polyphonie.

Après les Manhattan Transfer, j’ai découvert Lambert, Hendricks and Ross, un groupe formidable des années 50-60, peut-être un peu moins juste, moins en place – ce qui faisait tout leur charme ! Ils ne se prenaient pas trop au sérieux et improvisaient plus. Un autre groupe dans le genre était les Meltones, dirigé par mon chanteur fétiche Mel Tormé. J’adore leurs arrangements intelligents,  ludiques et légèrement kitsch ! Très important d’évoquer également Take Six, qui me fait pleurer à chaque fois que j’entends certaines chansons, par la puissance et la virtuosité de chaque voix, ainsi que les arrangements qui poussent les limites des tessitures et créent des harmonies à tomber par terre. Puis en arrivant en France j’ai découvert les Double Six, dirigés par Mimi Perrin – tout aussi étonnant dans leur manière de faire swinguer la langue française comme aucun projet vocal auparavant.

Ma propre expérience avec le jazz vocal et la polyphonie a toujours été riche et passionnante. En commençant avec mon groupe a cappella à la fac, les Williams College Ephlats, j’ai casé quelques arrangements de jazz (« My Funny Valentine »…) dans un répertoire plutôt dédié aux gros tubes des années 80. Quel bonheur, mêlé à l’insouciance de la jeunesse ! Lors de mon séjour de cinq ans en Allemagne, le groupe cabaret Snooties & the Cats faisait un mélange improbable de standards, chansons et rock avec le bonus des changements de costume (dont un chapeau clignotant en forme de Tour Eiffel), décors modulables, diapos… chaque concert fut un évènement surprenant – parfois pour nous aussi. J Et c’est en France que la musique s’est agrémentée d’effets électroniques, avec les Grandes Gueules – et l’ingénieur du son est devenu membre du groupe à part entière.

La musique à part, les groupes vocaux cultivent des ambiances que l’on ne trouve nulle part ailleurs – sujet que je développerai dans un autre article sur le jazz vocal et la polyphonie, à paraître prochainement…

Snooties+theCats

Snooties & the Cats, au sommet de leur activité !

Par |2016-12-22T12:12:40+01:00avril 9th, 2014|Jazz vocal|0 commentaire

Le métro à Paris – source d’inspiration ?

Quand on arrive à Paris, surtout après avoir visité d’autres grandes villes, on est tout de suite impressionné par l’efficacité de son métro. 14 lignes, des stations très rapprochées, une signalisation hors pair – on serait fou de ne pas le prendre plusieurs fois par jour avec joie et enthousiasme. Ou bien… ? (<- clin d’œil spontané à mes chers amis les suisses :)).

Mes premières années à Paris, je faisais partie des voyageurs heureux et curieux de découvrir les visages et les tenues des parisiens typiques et variés. Sur le plan des lignes, les couleurs s’entrelaçaient comme un arc en ciel menant au trésor. Une touche décorative particulière, les vers gagnants d’un concours de poésie, me fournissait de la matière pour améliorer mon français et prendre l’air d’une personne cultivée. Quand j’ai commencé à me consacrer pleinement à la musique, le métro à Paris ne cessait d’être une source d’inspiration, voire de bien-être.

Aujourd’hui…j’avoue que plus le temps passe, plus les têtes des voyageurs me semblent légèrement grises, et plus la place semble se rétrécir. Heureusement qu’il y a des musiciens ! Obligés de passer une audition et de porter un badge… Des fois il y a, par exemple, des accordéonistes qui refont les grands tubes de la chanson française avec, disons, la moitié des accords originaux. Ca économise de l’énergie musculaire, sûrement !

Mais s’il n’est pas toujours gai, le métro à Paris reste toujours une source d’inspiration. L’autre jour en fut un exemple inoubliable. En route pour un enregistrement dans le nord, je prends la ligne 7 (rose= jolie !). A l’arrêt « Pyramides » un mec monte dans le train, la trentaine, léger embonpoint, peau mate, cheveux noirs, plutôt sympa à regarder. Puis il ouvre la bouche. « Bonjour Mesdames et Messieurs, excusez-moi de vous déranger… » Direct, je sens la tension exaspérée s’installer parmi mes co-voyageurs. Encore un qui veut des sous ! Mais la suite nous éblouit : « Je ne suis pas là aujourd’hui pour demander des sous, au contraire, je gagne bien ma vie. Si je passe parmi vous, c’est parce que je souhaite me marier au plus vite. Je cherche une femme, qui a ses papiers en ordre, bien sûr. Mesdames, vous pouvez me croire, je vous offre ma carte bleue, et je suis performant, je ne m’arrête jamais. »

Inspirée par la pure folie de ce discours, je cherche à engager les regards des inconnus autour, histoire de partager un sourire (chose rare comme les léopards dans le métro). Impossible, incroyable, improbable ! Les gens font comme si de rien n’était, même quand le jeune homme poursuit avec « Maintenant, Mesdames, je vais passer parmi vous avec mon portable. Laissez-moi vos numéros, je ferai une sélection. Vous pouvez également me suivre, je descends ici. Je n’ai pas beaucoup de temps. » Rien à faire – comme des coffres-forts suisses, les visages parisiens restent unanimement durs et verrouillés.

Le moment qui suit est magique. Le train s’arrête à Louis Blanc. Le marié en herbe descend sur le quai. La sonnerie sonne. Comme le clap d’un tournage, le claquement des portes déclenche une rigolade comme je n’ai jamais entendu dans la Ville Lumière. Tout le monde se regarde, soudainement soudé et soulagé. Quelques hommes laissent échapper un « Bravo ! » admiratif. Une petite vieille s’évente avec son foulard. Une jeune fille se retourne, les larmes aux yeux, pour jeter un dernier regard sur celui qui aurait pu être l’homme de sa vie.

Un jeune homme courageux et prometteur dans le métro à Paris – source d’inspiration par excellence. Ou bien ?

metro_station_in_paris_by_jean_michel_othoniel_imagelarge

Par |2016-12-22T12:12:40+01:00février 12th, 2014|La vie de tous les jours|0 commentaire

Le jazz vocal et les animaux

Parmi mes rêves un peu étranges est celui de monter un projet qui lie le jazz vocal et les animaux. Mais sans être ridicule. Pas facile ! Quand j’étais petite, je voulais être vétérinaire, comme beaucoup d’enfants – jusqu’au moment où j’ai compris qu’il aurait fallu voir les bêtes souffrir, leur faire des piqûres, voire les accompagner en fin de vie, et tout ça au bout d’une douzaine d’années d’études ! Par le passé j’étais bien trop distraite pour envisager un engagement pareil – et peut-être encore aujourd’hui… De toute façon, le destin a fait que je me suis trouvé en Europe à faire la musique, mais ma double passion pour le jazz vocal et les animaux n’a pas encore trouvé un moyen d’exister.

VDA18Apparemment je ne suis pas seule dans cette dualité : Brigitte Bardot est peut-être l’exemple le plus flagrant d’une artiste transformée en militante dédiée à la cause des quatre-pattes. Sarah Bernhardt voyageait avec son entourage d’animaux exotiques. Et j’ai appris récemment qu’une copine chanteuse s’est spécialisée, en plus des standards de jazz, en comportement félin. Il lui arrive donc, dans l’espace d’une semaine, d’enseigner le chant, de faire un concert, et d’étudier la tendance de Chouchoutte à se soulager dans les géraniums de Mamie. Si ce n’est pas la fusion, c’est la juxtaposition étroite de deux passions. C’est déjà ça.

Quand j’y réfléchis bien, c’est sûrement dû à la vaste différence entre le jazz vocal et les animaux qu’ils ne se mélangent pas facilement. Le jazz vocal cherche la profondeur, le développement, l’élégance. Le chien cherche à s’allonger là où il gêne plus le passage.

Il y a quelques années, les jazzmen parisiens ont bien rigolé d’un copain saxophoniste qui a fait un disque pour et avec les animaux. Rien à faire, les deux choses sont trop éloignées, on finit forcément par perdre la crédibilité. Au fait, plus de nouvelles de ce musicien…

Dans ma chambre à coucher il y a une affiche encadrée d’une photo en noir et blanc de la crooneuse légendaire Billie Holiday, souriante, soulevant en l’air ce qui pourrait être un chihuahua, nommé Peppi. Tous les jours je me réveille donc en regardant Billie et Peppi, tout en réveillant l’espoir de réunir le jazz vocal et les animaux un jour.

Par |2016-12-22T12:12:40+01:00janvier 7th, 2014|Jazz vocal|0 commentaire
Aller en haut