De manière générale je dirais que 99% du temps je suis heureuse d’être sur scène. Je passe énormément de temps à préparer mes prestations afin de vivre pleinement la musique, quelle que soit le répertoire. Il faut de la concentration, bien sûr, mais quand la tête travaille trop (à mon avis), l’émotion a du mal à passer. Cet équilibre se trouve de plus en plus facilement au fil des années, grâce à l’expérience, mais de temps en temps une surprise surgit de mon esprit pour me bousculer bien comme il faut !

Par exemple, l’année dernière j’étais invitée à présenter un programme de standards de jazz avec l’Orchestre d’Harmonie de Lillebonne, en Normandie. Tout était en place : on avait bien construit, préparé et répété les chansons ; le son et l’éclairage au top, l’orchestre adorable, l’organisation aux petits oignons. J’avais même repassé une jupe (ce qui n’arrive que tous les 3-4 ans – vraiment pas mon truc ! :)).

Une heure avant le début du concert, tout d’un coup j’ai l’impression d’avoir une oreille bouchée par ma propre voix, qui couine : “Mais tu sais que tu es nulle, non ? Vraiment !” suivi par “Mais qu’est-ce que tu fous là, dis donc ?”

HEIN ?

C’est qui qui parle ? Mon dieu, et juste avant de monter sur scène ! Peut-être qu’elle a raison ? Que faire ? Vaut mieux que je me cache quelque part, non ? Ca doit être un rêve. Dans quelques minutes je me réveillerai dans mon appart’ minuscule avec George (la meilleure chatte du monde – à mon avis :)) et on passera une journée parfaitement banale.

“Mais non !” susurre aussitôt une autre partie de mon cerveau. “Tout va bien, tu es prête, tu feras un très beau concert, basta, ces doutes, amuse-toi enfin !”

Euhm…

Qui croire ? Je vous promets que c’était comme une vraie bataille dans ma tête pendant plusieurs minutes : la peur contre la joie, le doute contre l’expérience, l’obscurité contre la lumière…

Je respire profondément, en revisitant dans ma tête tous les beaux moments de ce métier toujours passionnant et étrange. Quelque chose s’ouvre en moi…

Place à la joie ! Le triomphe.