Jazz vocal

Petit déj chinois ?

Récemment j’ai été invitée à animer une semaine de master-class à Chengdu en Chine. N’ayant jamais travaillé avec les chinois, et n’étant pas responsable de l’organisation du voyage, je ne savais pas à quoi m’attendre. L’expérience fut tout à fait surprenante !

Par exemple, par la magie de notre interprète on apprend le premier jour qu’il est assez courant de dire, à la première rencontre, afin de savoir si la personne est bien arrivée et installée, etc. : « Bienvenue ! Vous avez eu la diarrhée ? » C’est véridique ! Imaginez ma tête en entendant ça de la bouche du directeur de l’université de Chengdu ! Puis il y a l’histoire du petit déjeuner…

C’est sûrement mes racines anglophones qui font que j’adore le petit déj sous toutes ces formes, et que je souffre si le destin m’empêche d’en prendre. Qui aurait cru que la Chine présenterait un défi très original de ce point de vue ? Le premier jour, à l’hôtel très agréable dans un quarter chic de Chengdu, je cherche la salle / le restaurant / le café qui existe dans quasiment tous les hôtels du monde, avec le parfum du café qui vous montre le chemin si vous ne le trouvez pas tout de suite. N’est-ce pas ? Dans cet hôtel toutes les indications sont en chinois, les deux personnes à l’accueil ne parlent que le chinois, il n’y a pas de restaurant au rez-de-chaussée de ce gratte-ciel haut de 50 étages, et le chauffeur arrive avant que je ne trouve mon bonheur. Toujours optimiste, je serre les dents en espérant prendre quelque chose sur le chemin.

Arrivée en avance à l’université, je fais comprendre à notre guide du jour que j’ai faim. Elle réagit avec un sourire qui cache mal son angoisse à l’idée d’organiser quelque chose à l’improviste, et surtout d’approfondir notre communication. Après 10 minutes de marche sur les chemins larges et verdoyants du campus, on arrive à un petit stand qui vend du thé, du café (hallelujah !) et du yaourt (bof…mais youpi, il n’y a que ça !). Avec gestes et sourires j’indique ce que je veux, et le vendeur l’emballe en me fixant comme le gamin qui découvre E.T.
Idéalement je m’assiérais par terre pour tout consommer en un temps record, mais la guide fait « Come ! » pour que je la suive – où ? Mystère…

Après une demi-heure de marche, yaourt chauffé à la main, j’aperçois une rue avec plein de petits restaurants à l’extrémité du campus. La guide en choisit un, nous conduit à une table, et se met à commander. Dix minutes plus tard, c’est Byzance : du riz, des légumes, du fromage frit, du tofu, de la soupe, bref, une dizaine de plats pour accompagner mon pauvre yaourt ! Pendant que je mange pour quatre, notre interprète « officiel » surgit de nulle part et nous explique que dans environ une heure et demie, après le premier master-class, on ira…manger !

Le deuxième jour je renouvelle mes efforts pour trouver le restaurant de l’hôtel. L’interprète ayant dit qu’il se trouvait au 11ème étage, je m’y dirige bien en avance (après avoir pris le mauvais ascenseur, qui ne s’arrête pas aux étages impairs), pour enfin profiter pleinement du petit déj chinois. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent…dans un nuage de poussière et des ronronnements de perceuse ! Tout l’étage est en travaux, et ma seule consolation est de bien faire rire les ouvriers qui sont stupéfaits de me voir débarquer parmi les seaux de peinture.

Le troisième jour je commence à réfléchir à d’autres alternatives, mais mon partenaire de voyage (fan du petit déj lui aussi), s’énerve et prend les choses en main. Fixant la jeune fille de l’accueil d’un regard de taureau, il aboie le mot magique, que personne n’avait compris le premier jour : « BREAKFAST ! » Les yeux de la fille démontrent une vraie peur mélangée d’une lumière de compréhension ; avant que mon partenaire puisse l’approcher davantage, elle saisit un cahier et nous porte enfin fortune en écrivant le numéro 13.

La victoire, le paradis au 13ème étage ! Des œufs, du riz, du café, des légumes, des petits pains à la texture guimauve grise, des clients qui font du bruit en mangeant…tout est délicieux, inoubliable !

Mais en fait…avez-vous eu la diarhée ?

PandaLove

Par |2016-12-22T12:12:39+01:00août 13th, 2016|Jazz vocal, Voyages|0 commentaire

Le jazz vocal et la polyphonie, vol. 2

Ephs-field

The Williams Ephlats, ca. 1988

Le jazz vocal et la polyphonie, comme on le sait depuis mon dernier article, sont au cœur de ma passion pour la musique.

L’année dernière il y a eu une réunion de mon groupe a cappella de la fac, les Williams Ephlats. A mon plus grand regret, je n’ai pas pu y aller. Mais ça ne m’a pas empêché d’être là, virtuellement, avec ces 12 chanteuses et chanteurs drôles et talentueux, et de réfléchir de nouveau à cette entité particulière qui est le groupe vocal.

Parfois (vous l’avez peut-être remarqué :)), il y a une rivalité entre les chanteuses / chanteurs solistes, difficilement explicable mais peut-être liée au fait que l’instrument est le corps, c’est-à-dire soi-même. Tout échec peut être ressenti comme un rejet de l’individu dans sa totalité. Le fait que l’aspect visuel compte au moins dix fois plus pour les chanteuses(eurs) que pour les instrumentistes n’arrange pas les choses, puisque l’image devient vite une obsession. Mais peut-être que d’autres auront d’autres théories ?

A vous de juger cette histoire vraie : une chanteuse lyrique colorature (qui chante plutôt dans les aigus) avoue à une mezzo (qui chante plus bas) : « Ah, heureusement que tu es mezzo. Si tu étais colorature, on ne pourrait pas être amies ! » Bon, le lyrique, c’est autre chose encore…

Mais quand le jazz vocal et la polyphonie se rencontrent, l’ambiance est différente. Dans un groupe vocal, les voix se réunissent pour se renforcer, se mettre en valeur, même si au niveau social il y a une observation et prise de rôle qui se fait. Avant de donner quelques exemples, laissez-moi préciser qu’ils peuvent se décliner au masculin aussi bien qu’au féminin : le clown, la folle qui perd toujours quelque chose, le râleur, la retardataire incurable, la perfectionniste, le séducteur… Au cours des années, j’ai intégré différents groupes, et c’était aussi passionnant de trouver un rôle que de me confronter aux défis musicaux !

Sur mes deux premiers albums en tant que leader, je tenais à inclure des chansons « polyphoniques » a cappella : « Tout Doucement » sur l’album Twinkle (Pitch Puppy Productions, 2007) ; et « Blue Boots » sur am I am (Juste une trace, 2011). Ce fut un énorme plaisir d’arranger et d’enregistrer toutes les voix (et du coup, pas de rivalité, ni de rôle…). 😉 Sur mon troisième album, actuellement en préparation, il y en aura sûrement un autre. Décidément, en ce qui me concerne, le jazz vocal et la polyphonie sont inséparables !

Par |2016-12-22T12:12:39+01:00juin 17th, 2014|Jazz vocal|0 commentaire

Le jazz vocal et la polyphonie

Le jazz vocal et la polyphonie sont parmi les choses que je préfère au monde, alors imaginez ce que ça donne quand ils se rencontrent ! La phrase « jazz vocal » évoque souvent l’image d’une seule chanteuse accompagnée par un certain nombre d’instrumentistes. J’ai grandi avec cette idée jusqu’au jour où j’ai découvert les Manhattan Transfer en écoutant un 33 tours qui appartenait à ma sœur. Bouleversement total ! Les harmonies proches, le rythme et la diction parfaitement synchronisés, et surtout le côté « convivial » émanant des deux voix féminines et deux voix masculines. C’était le début de mon histoire d’amour avec le jazz vocal et la polyphonie.

Après les Manhattan Transfer, j’ai découvert Lambert, Hendricks and Ross, un groupe formidable des années 50-60, peut-être un peu moins juste, moins en place – ce qui faisait tout leur charme ! Ils ne se prenaient pas trop au sérieux et improvisaient plus. Un autre groupe dans le genre était les Meltones, dirigé par mon chanteur fétiche Mel Tormé. J’adore leurs arrangements intelligents,  ludiques et légèrement kitsch ! Très important d’évoquer également Take Six, qui me fait pleurer à chaque fois que j’entends certaines chansons, par la puissance et la virtuosité de chaque voix, ainsi que les arrangements qui poussent les limites des tessitures et créent des harmonies à tomber par terre. Puis en arrivant en France j’ai découvert les Double Six, dirigés par Mimi Perrin – tout aussi étonnant dans leur manière de faire swinguer la langue française comme aucun projet vocal auparavant.

Ma propre expérience avec le jazz vocal et la polyphonie a toujours été riche et passionnante. En commençant avec mon groupe a cappella à la fac, les Williams College Ephlats, j’ai casé quelques arrangements de jazz (« My Funny Valentine »…) dans un répertoire plutôt dédié aux gros tubes des années 80. Quel bonheur, mêlé à l’insouciance de la jeunesse ! Lors de mon séjour de cinq ans en Allemagne, le groupe cabaret Snooties & the Cats faisait un mélange improbable de standards, chansons et rock avec le bonus des changements de costume (dont un chapeau clignotant en forme de Tour Eiffel), décors modulables, diapos… chaque concert fut un évènement surprenant – parfois pour nous aussi. J Et c’est en France que la musique s’est agrémentée d’effets électroniques, avec les Grandes Gueules – et l’ingénieur du son est devenu membre du groupe à part entière.

La musique à part, les groupes vocaux cultivent des ambiances que l’on ne trouve nulle part ailleurs – sujet que je développerai dans un autre article sur le jazz vocal et la polyphonie, à paraître prochainement…

Snooties+theCats

Snooties & the Cats, au sommet de leur activité !

Par |2016-12-22T12:12:40+01:00avril 9th, 2014|Jazz vocal|0 commentaire

Le jazz vocal et les animaux

Parmi mes rêves un peu étranges est celui de monter un projet qui lie le jazz vocal et les animaux. Mais sans être ridicule. Pas facile ! Quand j’étais petite, je voulais être vétérinaire, comme beaucoup d’enfants – jusqu’au moment où j’ai compris qu’il aurait fallu voir les bêtes souffrir, leur faire des piqûres, voire les accompagner en fin de vie, et tout ça au bout d’une douzaine d’années d’études ! Par le passé j’étais bien trop distraite pour envisager un engagement pareil – et peut-être encore aujourd’hui… De toute façon, le destin a fait que je me suis trouvé en Europe à faire la musique, mais ma double passion pour le jazz vocal et les animaux n’a pas encore trouvé un moyen d’exister.

VDA18Apparemment je ne suis pas seule dans cette dualité : Brigitte Bardot est peut-être l’exemple le plus flagrant d’une artiste transformée en militante dédiée à la cause des quatre-pattes. Sarah Bernhardt voyageait avec son entourage d’animaux exotiques. Et j’ai appris récemment qu’une copine chanteuse s’est spécialisée, en plus des standards de jazz, en comportement félin. Il lui arrive donc, dans l’espace d’une semaine, d’enseigner le chant, de faire un concert, et d’étudier la tendance de Chouchoutte à se soulager dans les géraniums de Mamie. Si ce n’est pas la fusion, c’est la juxtaposition étroite de deux passions. C’est déjà ça.

Quand j’y réfléchis bien, c’est sûrement dû à la vaste différence entre le jazz vocal et les animaux qu’ils ne se mélangent pas facilement. Le jazz vocal cherche la profondeur, le développement, l’élégance. Le chien cherche à s’allonger là où il gêne plus le passage.

Il y a quelques années, les jazzmen parisiens ont bien rigolé d’un copain saxophoniste qui a fait un disque pour et avec les animaux. Rien à faire, les deux choses sont trop éloignées, on finit forcément par perdre la crédibilité. Au fait, plus de nouvelles de ce musicien…

Dans ma chambre à coucher il y a une affiche encadrée d’une photo en noir et blanc de la crooneuse légendaire Billie Holiday, souriante, soulevant en l’air ce qui pourrait être un chihuahua, nommé Peppi. Tous les jours je me réveille donc en regardant Billie et Peppi, tout en réveillant l’espoir de réunir le jazz vocal et les animaux un jour.

Par |2016-12-22T12:12:40+01:00janvier 7th, 2014|Jazz vocal|0 commentaire

Le jazz vocal à Paris

Avant de vivre en France, je ne savais pas que le jazz vocal à Paris était une telle institution. Bien sûr, on sait que Cole Porter, Miles Davis et Blossom Dearie ont passé du temps dans la ville lumière, et j’ai eu la chance d’entendre les grands artistes du genre, Shirley Horn, Betty Carter, Diana Krall et Kurt Elling dans un petit club parisien qui n’existe plus, La Villa.

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Mais en plus de ces évènements musicaux, Paris cultive une vraie passion pour l’apprentissage et l’expression du jazz par le chant, bien que la France ne soit pas un pays où l’on chante dès son plus jeune âge. Ma relation amoureuse avec le jazz vocal à Paris a commencé avec les bœufs vocaux au Studio des Islettes, un autre lieu mythique qui n’existe plus. A côté de Barbès, un quartier populaire au nord de la ville, ce petit club était géré par un togolais souriant, avocat et passionné de jazz, Patrick Tchiakpé. On y accédait en sonnant au portail dans une petite ruelle sombre et silencieuse. A l’intérieur du lieu il y avait de vieux fauteuils, l’odeur de tabac et la bière pas chère. Le piano semblait prêt à rendre l’âme, mais on passait de bons moments musicaux quand même, dans une ambiance décontractée, authentique. J’ai même eu la chance d’animer le bœuf vocal plusieurs fois. Ce fut un plaisir d’accueillir des chanteuses en herbe (et un chanteur de temps en temps). Il y en a plein qui font carrière aujourd’hui, 15 ans plus tard.

D’autres lieux pour explorer le jazz vocal à Paris sont le Café Universel, près du Jardin du Luxembourg, et Autour de Midi et Minuit, près du fameux Moulin Rouge. Dans ces clubs accueillants et pas chers il y a des bœufs vocaux régulièrement, et la programmation est souvent axée sur le chant. Le Swan Bar, vers Port Royal, est aussi présent dans ce genre, depuis plusieurs années.

Vive le jazz vocal à Paris, en France, dans le monde…

Par |2016-12-22T12:12:40+01:00mai 19th, 2013|Jazz vocal|0 commentaire

Le passé devient présent

La semaine dernière j’ai répété cinq jours avec le groupe a cappella dont j’ai la chance de faire partie, les Grandes Gueules, dans le théâtre où nous présenterons un nouveau spectacle pour le festival d’Avignon.

En plus de notre spectacle « Poéziques » basé sur la poésie française, dont l’album est sorti en mai 2012 chez Sony, cette année nous créerons le spectacle avant-garde « Wah-Wah ». Un mélange de bruits vocaux et corporels inouïs et d’effets électroniques hallucinants, ce projet casse les limites de ce groupe phare du genre a cappella. Ce n’est pas pour rien qu’on s’appelle les Grandes Gueules !

Victoria-Rummler-chanteuse-de-jazz-pop-groupEn travaillant sur les bases de ce répertoire largement improvisé, sans mélodie, sans paroles, sans harmonie, à un moment donné on s’est trouvé à poser des questions sur la vraie définition de ce qu’on peut qualifier comme de la musique, et surtout sur notre rôle en la faisant, depuis des années, malgré les risques et les hauts et les bas du métier.
Une idée a émergé qui m’a touchée, et avec laquelle je suis d’accord : on fait de la musique pour essayer de retrouver les sensations de notre enfance, de notre passé spontané et insouciant, et d’inscrire ces sensations dans notre présent pour le rendre plus vivable. Quand on y arrive, et que le public le ressent, tout le reste vaut le coup.

En prenant le risque d’aller vers l’essentiel avec « Wah-Wah », les Grandes Gueules apportent une bouffée d’air frais au genre a cappella. Rendez-vous au Théâtre Notre Dame en Avignon, du 8 au 31 juillet 2013…

Par |2016-12-22T12:12:40+01:00avril 29th, 2013|Jazz vocal|0 commentaire
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